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Le manque de sommeil fait-il grossir ?
Est-ce que le manque de sommeil peut favoriser la prise de poids ? Est-ce que ne pas dormir assez a un effet direct sur le nombre de calories avalées ? Nous avons déjà vu que le sommeil était la clé de la mémoire et de la créativité. Voyons maintenant dans le détail les liens entre un manque de sommeil et différents problèmes de santé, en commençant avec la prise de poids, un sujet fondamental alors que le surpoids et l’obésité sont devenus des sujets majeurs de santé publique ces dernières années.
Par Benjamin Dariouch, Journaliste scientifique & consultant en nutrition
Publié le 6 juillet 2024, mis à jour le 29 juillet 2024
Notre cerveau a faim de calories
Pour bien comprendre comment le sommeil peut jouer sur notre appétit, il faut tout d’abord faire quelques rappels de base sur les mécanismes liés à ce dernier, et à nos décisions de manger tel ou tel aliment.
Le système de récompense
Pour résumer très succinctement, le cerveau humain est le fruit de millions d’années d’évolution, qui ont vu se mettre en place certains mécanismes ayant permis la survie de nos ancêtres, mécanismes qui sont encore présents aujourd’hui.
L’un de ceux-ci est le fameux « système de récompense », qui nous motive à adopter les comportements qui sont positifs pour notre survie et notre reproduction.
Du point de vue de l’alimentation, cela nous incite à rechercher les aliments denses en énergie, en gras, en sucre, en amidon, en sel.
Un concept bien connu des anthropologues, la stratégie optimale de recherche de nourriture, permet de comprendre simplement que l’on cherchera toujours à optimiser les calories apportées par un aliment (ou une proie) par rapport à l’énergie et au temps dépensés pour l’obtenir.
Un cerveau opportuniste
Niveau prise de poids, il n’y avait pas vraiment de risque pour nos ancêtres à partir du moment où la recherche de ces produits demandait toujours un effort physique non négligeable (chasse-cueillette, puis agriculture-élevage). Mais le cerveau humain étant fondamentalement opportuniste, il nous poussera toujours à rechercher le meilleur compromis, à savoir la plus grosse récompense pour le moindre effort.
Si de la nourriture « attrayante » (dans le sens de la gratification instantanée, d’une forte palatabilité et d’une belle densité calorique) est facilement accessible, notre cerveau va nous pousser à en tirer avantage, à aller au-delà de notre satiété habituelle et donc à manger plus que nos besoins.
Or, comme aujourd’hui notre environnement alimentaire a été complètement chamboulé, avec des aliments ultra-transformés qui possèdent toutes ces caractéristiques qui nous attirent (riches en calories, en gras, en sucre, etc.), que ces produits sont en plus très facilement disponibles, à la fois économiquement et géographiquement, et qu’ils bénéficient d’un matraquage publicitaire permanent, il est très compliqué de résister aux forces qui nous poussent à trop manger.
Sommeil et prise de poids : le manque de sommeil nous pousse à manger plus
Un lien de corrélation entre manque de sommeil et prise de poids
Si l’on en revient maintenant à notre sujet principal, de nombreux travaux ont aussi montré une corrélation claire entre le manque de sommeil et la prise de poids.
Comme par exemple une étude japonaise ayant suivi plus de 20.000 personnes pendant 3 ans, et où les personnes dormant 5h ou moins avaient plus de risque de prendre du poids ou même de devenir obèses que celles dormant 7h par nuit.
Il y a aussi des études d’intervention, où l’on contrôle plus précisément ce que les patients font, qui montrent que les gens mangent plus de calories quand ils dorment moins.
Sommeil et prise de poids : comment expliquer ce phénomène ?
Le lien ne fait donc pas trop de doute mais quel est le mécanisme derrière ça ? Pourquoi mangerait-on plus quand on dort moins ?
Une partie de l’explication vient de ce système de récompense dont nous venons de parler. Quand on fait des scanners du cerveau de personnes dormant peu, et qu’on les expose à des images de nourriture, on remarque que les régions du cerveau associées à ce système de récompense sont plus actives.
A commencer par le striatum, qui est à la base de tout le système de motivation liée à la dopamine, et par le cortex cingulaire antérieur, qui intervient aussi dans la récompense.
En résumé, le manque de sommeil augmente l’activité de ces zones du cerveau, ce qui entraîne une motivation plus élevée que d’habitude à manger, surtout si l’on est exposé à des aliments riches en calories, gras et sucre.
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Sommeil et prise de poids : une étude américaine apporte des précisions
Une étude de l’Université de Pennsylvanie de 2015 a permis d’apporter quelques précisions sur ce point.
Les chercheurs ont pris un groupe d’adultes en bonne santé, leur ont permis de faire une nuit de sommeil complète, puis ont fait une IRM de l’activité de leur cerveau au repos. Les participants avaient ensuite accès à un buffet toute la journée, où ils ont pu manger ce qu’ils voulaient, et les chercheurs ont noté exactement ce qu’ils avalaient. Ensuite, ils ont été séparés en 2 groupes :
- Le premier a pu faire une deuxième nuit complète ;
- Et l’autre groupe a fait une nuit blanche, avec à nouveau une IRM du cerveau le lendemain et un accès libre à la nourriture.
Sommeil et prise de poids : quels résultats au final ?
Le deuxième jour, le groupe « nuit blanche » a consommé autant de calories pendant la journée que le groupe contrôle, mais avec une proportion plus importante de gras, et surtout, ils ont mangé 900 calories de plus la nuit pendant que l’autre groupe dormait.
Peut-être était-ce juste par ennui ? Les participants ayant eu le droit de faire les activités qu’ils voulaient, ce n’est pas l’explication la plus crédible.
Est-ce que l’IRM a montré un début d’explication ? D’une part, on note une activité accrue entre 3 régions : le cortex cingulaire antérieur, le cortex insulaire et le putamen, l’une des structures principales du striatum, le fameux noyau du système de récompense.
Alors évidemment, ce jargon scientifique des neurosciences ne vous parle peut-être pas beaucoup. Mais pour résumer, ces zones font partie de ce qu’on appelle dans le cerveau le « réseau de saillance », dont le rôle est notamment de détecter et filtrer les stimuli « saillants », dignes d’attention, et qui va aussi anticiper et labéliser comme stimuli positifs ce qui pourrait nous avantager en cas de situation de stress par exemple.
Or le manque de sommeil est évidemment considéré comme un gros stress, ce qui pousse ce réseau, et donc notre cerveau au final, à chercher à tout prix des récompenses positives pour soulager ce stress, comme notamment des aliments gras qui vont stimuler plus facilement le système de récompense.
Sommeil et prise de poids : d’autres études
D’autres études ont fait ce type de comparaison entre un groupe avec un sommeil normal de 7-8h et un groupe en restriction de sommeil.
En moyenne, le groupe en restriction ingère entre 500 et 1.000 calories supplémentaires, des calories qui sont avalées surtout en soirée.
En résumé
Le manque de sommeil nous fait grossir parce qu’il augmente les calories entrantes via deux leviers :
- D’une part en augmentant le temps d’éveil, et donc les opportunités de manger ;
- D’autre part en augmentant notre attirance pour des produits caloriques et hyper-palatables.
Sommeil et prise de poids : rattraper sa dette de sommeil ?
Une stratégie suffisante ?
Une stratégie courante adoptée par de nombreuses personnes est de rattraper son manque de sommeil le week-end, en faisant des nuits plus longues qu’en semaine. Mais est-ce une stratégie suffisante pour contrer ces effets négatifs sur l’appétit et la prise de poids ?
Des chercheurs de l’Université du Colorado ont voulu tester cette hypothèse dans une étude parue en 2019 dans la revue Current Biology. Des jeunes adultes ont été divisés en 3 groupes pendant 2 semaines :
- Un premier groupe avec un sommeil normal et complet ;
- Un deuxième groupe avec un sommeil restreint à 5h par nuit ;
- Et le troisième avec 5h par nuit en semaine et la possibilité de dormir sans limite les 2 nuits du week-end.
Comme dans les autres études, les groupes ayant un sommeil restreint ont consommé plus de calories le soir après dîner. Et malheureusement, le fait de dormir plus le week-end n’a pas été suffisant pour compenser les effets du manque de sommeil la semaine suivante : les deux groupes avec restriction avaient pris à peu près le même poids supplémentaire à la fin des 2 semaines.
Sommeil et prise de poids : à partir de quand observe-t-on cet effet ?
Dernière question que vous vous posez sûrement : à partir de combien d’heures par nuit on observe cet excès de calories et cette prise de poids ?
Toujours difficile de donner un chiffre exact, surtout qu’il y a beaucoup d’autres facteurs qui rentrent en compte. Mais dans les études disponibles, on note un effet notable à partir de 5h par nuit ou moins.
Ceci étant, il y a certainement une partie des gens chez qui 6h par nuit est un déficit suffisant pour augmenter les fringales !
Quels conseils pratiques peut-on tirer de ces données ?
La plus évidente est évidemment de faire des nuits complètes. Comme nous l’avons vu dans un précédent article, la durée exacte dépend de chacun, mais la fourchette valable pour la plupart des adultes est de 7 à 9h de temps de sommeil effectif, ce qui signifie un temps passé au lit légèrement supérieur.
Ensuite, ça paraitra peut-être comme une évidence à certains, il ne faut pas se laisser la possibilité de grignoter après dîner. Cela signifie avoir un dîner à heure fixe, pas trop tard et assez éloigné du coucher si possible, après lequel il faut éviter de manger à nouveau. Et pas de snacks gras et sucrés à portée de main chez soi : mieux vaut éviter de compter sur sa seule volonté pour ne pas manger ces produits…
Un autre point intéressant est qu’il existe quelques études qui ont montré que la méditation en pleine conscience avait un effet positif sur le réseau de saillance, ce qui pourrait donc permettre de calmer les fringales nocturnes. Si vous avez un travail de nuit ou tardif, et que le grignotage est un problème, cela peut être un outil intéressant à explorer et à incorporer dans votre routine du soir.
Enfin, une astuce pour se forcer à se coucher à heure fixe est de mettre une alarme sur son téléphone le soir pour l’heure du coucher, plutôt que le matin pour se réveiller.
FAQ : Sommeil et prise de poids
Pourquoi mange-t-on plus quand on dort moins ?
Une partie de l’explication vient de notre système de récompense. En résumé, le manque de sommeil augmente l’activité de certaines zones du cerveau, ce qui entraîne une motivation plus élevée que d’habitude à manger, surtout si l’on est exposé à des aliments riches en calories, gras et sucre.
Aussi, le manque de sommeil augmente le temps d’éveil, et donc les opportunités de manger
Peut-on rattraper sa dette de sommeil pour limiter la prise de poids due au manque de sommeil ?
Une étude a montré que, malheureusement, le fait de dormir plus le week-end n’a pas été suffisant pour compenser les effets du manque de sommeil sur la prise de poids.
Quels conseils pour éviter ou limiter la prise de poids due au manque de sommeil ?
D’abord évidemment, le conseil le plus évident est de faire des nuits complètes ! Une durée de 7 à 9h de temps de sommeil effectif semble être une bonne base pour la grande majorité des personnes.
Ensuite, il faut essayer de se couper la possibilité de grignoter après dîner, donc si possible diner à heure fixe et pas trop tard.
On peut également citer la méditation en pleine conscience, qui aurait un effet positif sur le réseau de saillance et pourrait ainsi calmer les fringales nocturnes.
Enfin, on peut se mettre à l’alarme pour le coucher plutôt que pour le lever.
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