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Régime hyperprotéiné et reins : quels risques ?
Dans la quête incessante de perte de poids de notre société moderne, les régimes hyperprotéinés type Dukan, Paléo ou Atkins ont beaucoup fait parler d’eux. Beaucoup les accusent par ailleurs d’abimer les reins. Qu’est-ce que le régime hyperprotéiné ? A quoi sert-il ? Et surtout, est-il bon pour la santé ? Nous faisons le point dans cet article.
Par Patrick, Co-fondateur de nutriting et expert en nutrition
Publié le 2 janvier 2023, mis à jour le 17 octobre 2023
Régime hyperprotéiné : de quoi s’agit-il ?
Qu’est-ce qu’un régime hyperprotéiné ?
Un régime hyperprotéiné est un régime alimentaire qui consiste à augmenter considérablement la consommation de protéines, tout en réduisant la consommation de glucides et de graisses.
On considère généralement que dans un régime hyperprotéiné, les protéines représentent 20 à 30% de l’apport calorique total.
Pour rappel, l’ANSES conseille ces intervalles de référence concernant la part des 3 macronutriments dans nos apports énergétiques totaux :
- 10 à 20% des calories devraient provenir des protéines, qu’elles soient animales ou végétales ;
- 40 à 55% des calories devraient provenir des glucides ;
- 35 à 40% des calories devraient provenir des lipides.
Les sources de protéines dans un régime hyperprotéiné peuvent inclure la viande, la volaille, le poisson et les fruits de mer, les œufs, les produits laitiers, les légumineuses, le soja, ainsi que les suppléments protéinés ou les protéines en poudre (de type whey).
À quoi sert un régime hyperprotéiné ?
Un régime hyperprotéiné peut servir à différents objectifs, mais le plus courant est la perte de poids.
La condition sine qua non de la perte de poids est le déficit calorique (aussi appelé régime hypocalorique), c’est-à-dire une consommation de calories en deçà de nos besoins énergétiques.
Pour ce faire, certains régimes restreignent un macronutriment en particulier (le régime « low carb » restreint les glucides alors que le régime « low fat » vise les lipides), mais le régime hyperprotéiné favorise les protéines au détriment des glucides et des lipides.
En augmentant l’apport en protéines tout en réduisant l’apport en glucides et en graisses, on vise à réduire l’apport calorique global, augmenter la satiété et ainsi favoriser la perte de poids tout en minimisant le recours de l’organisme à nos muscles pour y puiser de l’énergie.
Il s’agit donc d’un régime hypocalorique d’épargne protéique.
Les régimes hyperprotéinés sont également couramment utilisés par les athlètes, les culturistes ou les bodybuilders. En effet, les protéines étant essentielles à la croissance et à la réparation des tissus corporels, ces sportifs de force cherchent à renforcer leur masse musculaire (bien que dans ces cas-là, le régime n’est pas nécessairement hypocalorique).
En outre, un régime hyperprotéiné est parfois utilisé pour améliorer la santé de certaines personnes, comme celles souffrant de diabète de type 2. Les protéines ayant un effet moindre sur la glycémie par rapport aux glucides, l’objectif est dans ce cas d’aider à réguler les niveaux de sucre dans le sang chez les personnes atteintes de diabète.
Régime hyperprotéiné : comment ça marche ?
Les protéines sont une classe de macronutriments très à part :
- C’est un macronutriment essentiel fondamental, il est indispensable à la vie et doit impérativement être apporté via l’alimentation.
- Les aliments riches en protéines font partie des plus satiétogènes, c’est-à-dire qu’à calories égales, un aliment protéiné vous sustentera plus longtemps qu’un autre aliment1.
- Les protéines sont les macronutriments qui ont le plus haut effet thermique, ce qui signifie que les protéines vont nécessiter beaucoup plus de calories que les glucides ou les lipides afin d’être digérés. On estime les protéines requièrent 20 à 30% de calories afin d’être assimilés, contre 5 à 10% pour les glucides et 0 à 3% pour les lipides2. En d’autres termes, 100 kcal représentera in fine un apport calorique de 70 kcal s’ils proviennent de protéines, un apport de 90 kcal s’ils proviennent de glucides et un apport de 100 kcal s’ils proviennent des lipides.
- Les protéines modifient plusieurs hormones régulatrices du poids. En particulier, un apport plus important en protéines augmente les niveaux des hormones de satiété (qui réduisent l’appétit) comme le glucagon-like peptide-1 (GLP-1), le peptide YY et la cholécystokinine, tout en réduisant les niveaux d’hormones qui stimulent la faim comme la ghréline3.
- Enfin, fournir à son corps des protéines préserve la masse musculaire au régime, qui est un facteur essentiel à la fois pour préserver sa santé mais également pour avoir les meilleurs résultats esthétiques après une perte de poids4. En effet, pour un même poids, une même personne peut avoir des silhouettes totalement différentes selon le pourcentage de masse maigre (muscles) de son corps.
Dans certains cas, ces avantages sont suffisamment importants pour qu’une personne soit en déficit calorique naturellement, sans y prêter attention, simplement en augmentant la part de protéines dans son alimentation5.
Ce sont toutes ces raisons qui font des protéines le macronutriment le plus important dans la perte de poids et la conservation / l’amélioration de la silhouette.
Le saviez-vous ?
Quel que soit votre régime, il est essentiel de veiller à vos apports en micronutriments essentiels. En raison de la restriction calorique inhérente au régime, vos apports nutritionnels seront moindres, alors un multivitamines complet et bien dosé peut être une aide précieuse.
Régime hyperprotéiné : quels effets sur les reins ?
Régime hyperprotéiné et reins : la toute première étude à jeter le discrédit
”Les reins filtrent les protéines, donc un régime riche en protéines finit forcement par abimer les reins.
Cette assertion réductionniste et quelque peu simpliste n’est pas nouvelle. Et en effet, la toute première étude à jeter le discrédit sur les régimes hyperprotéinés date même de… 19286 !
A cette époque, les chercheurs notent qu’un régime très riche en protéines pouvait altérer la fonction rénale chez des rats… à qui on avait retiré un rein ! Il n’en fallait pas moins pour diaboliser, déjà en ce temps, les régimes hyperprotéinés.
Régime hyperprotéiné et reins : une étude espagnole sur des rats
Plus récemment, une étude espagnole de 2013 est venue remettre une pièce dans la machine7. Dans cet essai, les chercheurs ont réparti 20 rats en deux groupes, dont l’un a consommé un régime hyperprotéiné (45% du total calorique).
Résultats : au bout de 12 semaines, les rats nourris au régime hyperprotéiné avaient perdu du poids (jusqu’à 10%), mais en contrepartie, les chercheurs notent que le pH urinaire est plus acide de 15%, que le citrate urinaire (qui sert à inhiber le développement des sels de calcium) a baissé de 88% plus bas, et que le poids de leurs reins a augmenté de plus de 20%.
Comme très souvent, les conclusions de cette étude sont infiniment plus nuancées que le traitement médiatique qui en a suivi (et que la croyance populaire qui s’en est cristallisée), l’auteur principale Dr Virginia Aparicio n’émettant qu’une hypothèse et une recommandation de précaution pour les personnes désirant suivre un régime hypercalorique.
Par ailleurs, cette étude souffre de nombreuses faiblesses dont 2 en particulier :
- Le régime hyperprotéiné des rats est beaucoup plus riche en protéines qu’un régime hyperprotéiné standard chez l’homme.
- Les conséquences néfastes rapportées sont surtout le fruit d’une alimentation trop pauvre en fruits et légumes, et plus particulièrement en potassium, puisque les marqueurs retenus sont ceux d’une acidose, un trouble de l’équilibre acido-basique qui est surtout occasionné par un déficit en potassium.
D’ailleurs, le Dr Virginia Aparicio le reconnait elle-même :
”Une consommation importante de fruits et de légumes serait de nature à compenser l'acidité du régime hyperprotéiné par son apport en potassium et en magnésium.
Mais surtout, il s’agit d’une étude faite sur les rats, et comme souvent, les études chez l’homme ne racontent pas du tout la même histoire.
Régime hyperprotéiné et reins : que disent les études chez l’homme ?
Intéressons-nous donc aux études et surtout aux méta-analyses chez l’homme, qui constituent le plus haut niveau de preuve en science à ce jour.
En 2005
Une revue d’études8 sur le sujet conclut :
”Nous ne trouvons aucune preuve significative d'un effet néfaste d'un apport élevé en protéines sur la fonction rénale chez des personnes en bonne santé.
En 2012
Un essai randomisé contrôlé9 qui a suivi 307 adultes obèses pendant 3 ans n’a trouvé aucun effet délétère sur les reins d’un régime hyperprotéiné constitué de 25 à 35% de protéines.
Toujours la même année, une revue systématique et méta-analyse10 portant sur 111 articles médicaux et 74 essais ne montre pas d’effet d’un régime riche en protéines sur les marqueurs de la santé rénale.
En 2014
Une revue systématique et méta-analyse11 portant sur un total de 2.160 sujets notent quelques variations de certains marqueurs de la fonction rénale (taux de filtration glomérulaire, urée et excrétion urinaire de calcium), mais précisent que :
”La plupart de ces changements pourraient être interprétés comme des mécanismes d'adaptation physiologique induits par le régime riche en protéines sans aucune pertinence clinique.
En d’autres termes, ces changements sont normaux et ne sont pas de nature à provoquer de quelconque problème chez un sujet sain.
En 2015
Une étude randomisée contrôlée12 sur des athlètes de force conclut qu’un régime riche en protéines (3,4 g/kg/j, soit plus de 4 fois les recommandations officielles), en conjonction avec un programme d’entraînement intensif de musculation, peut conférer des avantages en ce qui concerne la composition corporelle sans effets délétères.
En 2016
Une étude randomisée en « crossover » 13 a montré qu’une consommation très riche en protéines (entre 2,51g et 3,32 g/kg/j) chez des athlètes pendant un an n’avait pas d’effets nocifs sur les mesures des lipides sanguins ou des fonctions hépatiques et rénales.
En 2018
Une revue systématique et méta-analyse14 portant sur un total de 1.358 adultes en bonne santé suggère qu’un régime riche en protéines (1,8 g de protéines/kg), pendant une période allant jusqu’à 2 ans, n’aggrave pas la fonction rénale (mesurée par les variations du taux de filtration glomérulaire) par rapport à un régime pauvre en protéines (0,9 g/kg).
En 2019
Une revue systématique15 d’études épidémiologiques sur les liens entre l’apport en protéines, la fonction rénale et la mortalité a révélé que l’apport en protéines de base n’était pas associé au déclin de la fonction rénale et qu’un apport faible en protéines à long terme (<0,8 g/kg/jour) pouvait augmenter le risque de mortalité.
La peur de la toxicité des régimes hyperprotéinés pour les reins provient d’études sur des rats, ou menées chez les malades souffrant de problèmes rénaux, et en particulier d’insuffisance rénale. Dans ce cas, de nombreuses études ont montré qu’une restriction de l’apport en protéines permettait de ralentir l’évolution de la maladie, et de préserver la fonction rénale16.
Il est donc évident que chez les personnes présentant un risque élevé de maladie rénale, ou qui souffrent déjà d’une pathologie impliquant les reins, un régime hypercalorique doit être envisagé avec beaucoup de précautions et un suivi médical approprié.
En revanche, aucune étude n’a jamais réussi à montrer un effet néfaste des protéines sur la fonction rénale, pour des individus en bonne santé. Les chercheurs ont bien démontré un changement dans ses fonctionnalités, mais qui semble être une simple adaptation à l’environnement, non pathologique.
Par ailleurs, rappelons que même si les recommandations officielles de l’ANSES sont de 0,83 g/kg/j de protéines, celle-ci précise que : « Dans l’état actuel des connaissances, des apports entre 0,83 et 2,2 g/kg/j de protéines (soit de 10 à 27 % de l’apport énergétique) peuvent être considérés comme satisfaisants pour un individu adulte de moins de 60 ans. »
Ce qui tombe très bien car des estimations plus précises et plus récentes17 indique que nos besoins en protéines seraient plutôt de l’ordre de 1,2 à 1,6 g/kg/j, et probablement plus pour les pratiquants de sports de force18.
Ces recommandations sont donc totalement compatibles avec les limites de sécurités officielles de l’ANSES.
En conclusion, après plusieurs dizaines d’années de recherche, aucun élément ne pointe vers une dangerosité des protéines pour les reins, à condition de ne pas avoir de maladie rénale (qui pourrait être connue comme inconnue), et de consommer suffisamment de potassium, en particulier provenant des fruits et légumes.
En effet rappelons qu’une alimentation trop riche en protéines et trop pauvre en fruits et légumes (et plus spécifiquement en potassium) peut exposer à d’autres problèmes, comme des déséquilibres acido-basiques ou la formation de calculs.
FAQ : Régime hyperprotéiné et reins
Qu’est-ce qu’un régime hyperprotéiné ?
Un régime hyperprotéiné consiste à augmenter considérablement la consommation de protéines, et de réduire en parallèle la consommation de glucides et de lipides.
Les sources de protéines dans un régime hyperprotéiné peuvent inclure la viande, la volaille, le poisson, les œufs, les produits laitiers, les légumineuses, le soja ainsi que les suppléments protéinés ou les protéines en poudre (de type whey).
A quoi sert un régime hyperprotéiné ?
L’objectif le plus courant d’un régime hyperprotéiné est la perte de poids. Ainsi, on vise à réduire l’apport calorique global et à augmenter la satiété, ce qui est censé favoriser la perte de poids.
Les régimes hyperprotéinés peuvent également être utilisés par les sportifs de force qui cherchent à renforcer leur masse musculaire.
Les régimes hyperprotéinés présentent-ils un risque pour les reins ?
Les études n’ont décelé aucun élément qui pointerait vers une dangerosité des protéines pour les reins dans le cas général.
En revanche, la prudence est de mise en cas de problèmes rénaux, en particulier d’insuffisance rénale, auquel cas une restriction de l’apport en protéines permettrait de préserver la fonction rénale.
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